« L’outil statistique met à jour des réalités systémiques et dévoile les asymétries sociales qui s’imposent aux individus. En cela, il a toujours été une arme théorique et politique privilégiée par la gauche, par le socialisme et le communisme. L’historien américain Ted Porter le qualifie d’ « outil de faiblesse » : alors que les dominants s’accommodent des évidences non interrogées qui deviennent naturelles, les dominés doivent mettre en lumière l’injustice pour transformer le système.
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Les statistiques ont-elles abolies le capitalisme ? Certes non, je vous propose un outil, pas une baguette magique. Les chiffres ne servent à rien, si ce n’est à soutenir un projet politique et une volonté d’agir. Peut-on faire sans les statistiques ethniques ? Sans doute, vous pouvez tâtonner à l’aveugle – surtout si ce n’est pas vous qui vous cognez aux murs.
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Racialiser le débat, imposer la question de la « race » dans l’agenda politique et le débat publique, non pas de la race biologique, naturelle, évidente, mais celle de la race subie, la race matérielle, la race qui poursuit. Il y a une question raciale en France, et nous ne pouvons pas l’ignorer. Elle ne se résume pas à une question de classe, elle est multi-centenaire et pluridimensionnelle, elle ne cède pas à la trompette de l’égalité républicaine. Il n’y a pas de race, dites-vous. Alors pourquoi ne sommes-nous pas égaux ?
L’extrême-droite n’a pas attendu que la recherche se saisisse de la question raciale pour énoncer des contre-vérités, proférer des mensonges et inventer des chiffres. Zemmour n’a pas besoin de statistiques pour affirmer que les prisons sont pleines de noirs et d’Arabes, parce que « tout le monde le sait ! ». Génération identitaire n’a pas besoin de permission pour brandir les chiffres de la drépanocytose. Ils n’en ont pas besoin mais ils s’en serviront sûrement ! Comme ils se servent des statistiques de genre pour affirmer que la nature féminine s’accorde mal avec le travail salarié. Nous répondrons, alors, et nous aurons cette fois des fondements solides sur lesquels nous appuyer. Je n’ai pas peur des chiffres sur le nombre de racisés en prison, en échec scolaire ou au chômage. Je n’ai pas peur des chiffres sur la violence que nous subissons, parce que je sais que la réponse n’est jamais la Nature et toujours la société. »