Un article intéressant sur la difficulté qu'il y a à contrer les intox. Pour un tweet d'intox, il faut plusieurs articles sur plusieurs sites de presse pour enfin avoir éclairci suffisamment la situation. Et même là le résultat est peu satisfaisant.
Que retenir de toute cette petite polémique ?
Une perte de temps. Au lieu d’un article, il en aura fallu trois, sur deux jours, pour faire admettre que M. Meilhan racontait n’importe quoi. C’est donc autant de temps perdu à ne pas travailler sur un autre sujet. En outre, il a aussi fallu, sur les réseaux sociaux, se battre pied à pied pour se faire entendre des éminences journalistiques sus-nommées, et leur arracher un semi-démenti concédé de plus ou moins bonne grâce. Ce sont des heures et de l’énergie perdues, pourquoi ? Pour éviter qu’un mensonge, inventé par un pseudo-expert, ne soit relayé par des gens supposément dignes de confiance.
Une perte de sens. Conséquence aussi, la perte de sens. Au final, Meilhan a atteint son but : le doute est durablement installé dans les esprits. Personne n’a le temps de lire trois articles sur le même sujet, et nombre de lecteurs en resteront avec “en fait on ne sait pas, personne n’est d’accord”. Si, selon la formule consacrée, les tweets de MM. Seux et Vittori “n’engagent qu’eux”, et si leur journal n’a rien écrit de tel, du point de vue du lecteur de ces tweets, BFM Business et Les Echos ont contredit Le Monde et France Info, produisant de la confusion sur les faits et l’interprétation à leur donner.
Note : Par contre Samuel Laurent a encore en travers de la gorge l'article de Lordon à propos du fact checking et a visiblement pas pu s'empêcher de faire un parallèle idiot entre la critique du fact checking par l'extrême droite et la critique du fact checking par la gauche. Il devrait un peu fact checker ses biais, comme l'explique d'ailleurs Lordon : Politique post-vérité ou journalisme post-politique ?
Le problème est que cette vérité post-politique, opposée à la politique post-vérité, est entièrement fausse, que des faits correctement établis ne seront jamais le terminus de la politique mais à peine son commencement, car des faits n’ont jamais rien dit d’eux-mêmes, rien ! Des faits ne sont mis en ordre que par le travail de médiations qui ne leur appartiennent pas. Ils ne font sens que saisis du dehors par des croyances, des idées, des schèmes interprétatifs, bref, quand il s’agit de politique, de l’idéologie.
Le spasme de dégoût que suscite immanquablement le mot d’idéologie est le symptôme le plus caractéristique du journalisme post-politique. Comme « réforme » et « moderne », le « dépassement de l’idéologie » est l’indice du crétin. Sans surprise d’ailleurs, le crétin post-politique est un admirateur de la « réalité » — systématiquement opposée à toute idée de faire autrement. Les deux sont évidemment intimement liés, et le fact-checking à distance avec eux. La purgation achevée de l’idéologie laisse enfin apparaître la « réalité », telle qu’en elle-même immarcescible, qu’il n’y a plus qu’à célébrer rationnellement en fact-checkant la conformité des énoncés (post-)politiques à ses « faits ».